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Plumicule

13 mai 2014

Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness) et Apocalypse Now.

Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness) et Apocalypse Now.

 

En matière d’adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires, s’il est bien un fait régulièrement avéré, c’est que l’adaptation filmique fait parfois complètement oublier l’œuvre originale alors que celle-ci ne manque pourtant pas de mérites.

Qui, par exemple, se rappelle que Les Sentiers de la perdition (Road to Perdition réalisé en 2002 par Sam Mendes avec un casting qui fait rêver : Paul Newman, Tom Hanks, Jude Law et Daniel Craig entre autres…) est avant tout une bande-dessinée ? Ecrite par Max Allan Collins (aussi connu pour plusieurs novélisations : Waterworld, Il faut sauver le soldat Ryan, Windtrackers…), ses trois tomes sont sortis 1998 (Road to Perdition), 2004 (On the Road to Perdition) et 2011 (Return to Perdition). Mais le film de Mendes, avec son casting prestigieux et ses nombreuses récompenses (Saturn et BAFTA Awards notamment) s’est imposé et lorsqu’on parle des Sentiers de la perdition, on a d’abord en tête le film avant le comic.     

Un autre exemple, plus récent : il est probable que seuls les amateurs de polars (bien noirs) connaissent Dennis Lehane. Cet écrivain américain a commencé à écrire dans les années 90 et sa plume a été rapidement remarquée par les cinéastes. Ainsi, Clint Eastwood adaptera Mystic River en 2003 (roman éponyme publié en 2001), Ben Affleck Gone Baby Gone en 2007 (roman éponyme publié en 1998) et Martin Scorsese Shutter Island en 2010 (roman publié en 2003). Pourtant, lorsqu’on cite Shutter Island, on fait souvent davantage référence à Leonardo DiCaprio qu’au livre de Lehane. Et si c’est peut-être moins vrai pour les deux autres romans, il n’en reste pas moins que Mystic River et Gone Baby Gone sont (malheureusement ?) connus avant tout pour être des films.

Les films font donc parfois de l’ombre aux livres, même si, en tant qu’adaptations, ils leur doivent d’exister. Certains films vont même jusqu’à éclipser quasi-totalement le roman : le livre dont nous allons parler maintenant peut en témoigner. Il s’agit d’Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness) de Joseph Conrad. Mais tout d’abord, un point sur l’auteur.

 

Joseph Conrad

Il n’est pas né Joseph Conrad mais (attention) Teodor Józef Konrad Korzeniowski. Il est polonais d’origine mais changera de nom en même temps que de nationalité en 1886. A l’âge de 29 ans, il deviendra britannique. Ses parents sont des nobles qui pâtiront cruellement de l’insurrection polonaise des années 1861-64 : en effet, en 1861, son père est envoyé en exil au nord de la Russie, puis en Ukraine. Sa famille le suit. Les conditions de vies sont épouvantables et auront raison des parents de Joseph. Sa mère meurt de la tuberculose en 1865 et son père, qui rentrera d’exil en 1868, rendra l’âme l’année suivante après une grave maladie.

En 1869, Conrad a alors onze ans et est orphelin. Il est élevé par son oncle maternel, Tadeusz Bobrowski. En 1974, il entame une carrière de marin, qui se poursuivra durant de nombreuses années et lui inspirera nombre de ses intrigues.

Toutefois, il faudra attendre la fin de sa carrière maritime pour qu’il entame sa carrière littéraire. En 1895 paraît La Folie Almayer (Almayer’s Folly : a Story of an Eastern River ; adapté au cinéma en 2011 par Chantal Akerman sous le même titre) qui inaugure une trilogie (la Trilogie malaise) qui comptera aussi Un paria des îles (An Outcast of the Islands, en 1896) et La Rescousse (The Rescue, 1920). S’en suivront de nombreux romans et nouvelles, publiés avec une étonnante régularité. Parmi ceux-ci on pourra retenir notamment Le Nègre du Narcisse (The Nigger of the Narcissus, 1897) qui est connu pour être le premier roman maritime de Conrad et est en partie autobiographique. Cette courte œuvre raconte l’histoire du Narcisse, un voilier qui quitte le port de Bombay et doit rejoindre l’Angleterre. A son bord, un équipage pour le moins hétéroclite dont un Noir nommé James Wait, qui deviendra rapidement le canalisateur des tensions à bord. Il s’agit d’un véritable huis-clos en haute mer dont la lecture marque durablement le lecteur.

On peut également citer Lord Jim, publié en 1900. Cette histoire, qui fait indéniablement partie des chefs d’œuvres de Joseph Conrad, narre le destin tragique de Jim, un lieutenant embarqué comme second sur un navire censé convoyer un groupe de pèlerins à travers la Mer Rouge. Mais un évènement, assez récurrent dans les romans de Conrad, survient, qui mène à la catastrophe : une tempête malmène le navire. La violence de la mer est telle que Jim, apeuré par un naufrage qui lui semble inévitable, quitte avec lâcheté son bateau, laissant tous ses passagers à leur triste sort. Hanté par son acte et en quête de rédemption, il voyage vers la Malaisie et, pour se racheter, participe à une révolution populaire qui met à bas un dictateur local. Le style de Conrad est magnifique : mariant dialogues et monologues au sein d’un récit à tiroirs à la narration complexe, l’auteur parvient à brosser le portrait d’un héros torturé par son passé et déchiré par de cruelles contradictions.

On peut également parler de L’Agent Secret (The Secret Agent, 1907) qui sera adapté en 1936 par Alfred Hitchcock sous le titre Sabotage. Conrad abandonne ici ses intrigues maritimes et livre au lecteur un roman politique se déroulant dans le cœur de Londres. Il y raconte la tentative d’attentat perpétré par des anarchistes anglais, qui doivent poser une bombe dans l’Observatoire de Greenwich. Conrad y déploie des merveilles d’imagination, qualité dont il ne manque pas et dont il fera montre dans tous ses romans. Les personnages sont admirablement décrits, tout comme la vie londonienne dont l’auteur ne montre pourtant que les aspects les plus sordides.

Enfin, il est un titre à retenir, qui figure également parmi les chefs d’œuvre de l’auteur, un livre dont nous allons maintenant parler : il s’agit d’Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness, 1899).

 

 

Le livre

Originellement publié en feuilleton dans le Blackwood’s Magazine, ce roman, qui ressemble plutôt à une longue nouvelle, à une novella, fut par la suite republié au sein d’un recueil de trois récits intitulé Youth : A Narrative, and Two Others Stories (Jeunesse, 1902).

Au cœur des ténèbres est le récit halluciné d’un voyage effectué par Charles Marlow, un marin britannique embauché par une compagnie belge afin de rétablir le contact et le lien commercial avec le directeur d’un comptoir d’ivoire, un directeur dont on est sans nouvelles : Kurtz. Marlow quitte donc la mer sur laquelle il a toujours navigué et entreprend de remonter le cours du fleuve Congo (le fleuve traversait, à l’époque de la rédaction comme de l’intrigue du roman, l’Etat indépendant du Congo, qui était propriété du roi Léopold II de Belgique) afin de découvrir cet homme dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est exceptionnel, visionnaire, sans que Marlow sache toutefois vraiment pourquoi. Son périple l’emmènera au cœur du continent africain, dans une nature inculte de forêts primaires, à travers des lieux sauvages que l’homme n’a pas ou peu foulés et dont l’atmosphère étouffante et souvent hostile l’amènera à reconsidérer en profondeur sa place dans le monde, la valeur de la vie et le sens de son existence.    

Pour la rédaction de son œuvre, Conrad a trouvé sa matière à plusieurs endroits, bien distincts. Il s’est tout d’abord inspiré du récit que le célèbre explorateur britannique Henry Stanley a fait de son voyage à la recherche d’Eduard Schnitzer, un autre célèbre explorateur, allemand cette fois, gouverneur de la province égyptienne d’Equatoria et dont l’Europe s’inquiétait du sort puisque depuis 1883, date à laquelle une révolte éclata qui obligea Schnitzer à se retrancher dans sa forteresse, il envoyait des messages de secours au vieux continent. Stanley envisagea de récupérer Schnitzer en remontant le fleuve Congo, tout en sachant qu’il traverserait des zones extrêmement dangereuses. De fait, il perdit les deux tiers de ses hommes et, au final, ne parvint jamais à ramener Schnitzer en Europe.    

Le récit que fit Stanley de ce malheureux périple parut en 1890 à Paris. Il est intitulé In Darkest Africa (Dans les ténèbres de l’Afrique).

Mais Conrad a également pu trouver une partie de la matière de sa novella dans une nouvelle de Rudyard Kipling intitulée L’Homme qui voulut être roi, parue en 1888. La nouvelle de Kipling raconte l’histoire de la tentative folle de deux hommes pour transcender leur condition et devenir les rois d’un pays qui n’a plus connu d’occidental depuis Alexandre le Grand. Jouant sur leur apparente immortalité (l’un des deux hommes, Daniel Dravot, reçoit en pleine poitrine une flèche qui vient en fait se ficher dans sa cartouchière, dissimulée sous sa chemise ; mais les indigènes, ignorant ce fait, le croient tout à fait immortel) ils profitent de leur supériorité pour asseoir leur pouvoir et se faire sacrer rois.

C’est effectivement à peu de choses près le destin du mystérieux Kurtz. A l’issue de son périple, Marlow, après avoir longtemps couru derrière un mythe qui semblait constamment glisser entre ses mains, découvrira un homme qui n’a plus rien du directeur classique d’un comptoir commercial : complètement déifié par les indigènes, Kurtz est devenu une espèce de demi-dieu, qui, par un art consommé de la manipulation mentale, sait se faire obéir au doigt et à l’œil par ses esclaves.

Mais Joseph Conrad, et c’est certainement là le plus important ou du moins le plus intéressant, s’est également inspiré de sa propre vie pour la rédaction d’Au cœur des ténèbres. Engagé en 1890 par la Société du Haut-Congo, il devient capitaine du steamer (navire à vapeur) Le Roi des Belges. Bien que son contrat stipule qu’il est engagé pour trois ans, Conrad devra être rapidement rapatrié en Europe pour cause de dysenterie. Il n’aura eu le temps d’effectuer sur le fleuve Congo qu’un aller-retour entre Stanley-Pool (aujourd’hui Pool Malebo, il s’agit d’un lac) et Stanleyville (aujourd’hui Kisangani) mais, on imagine, se sera parfaitement imprégné de la lourde atmosphère des lieux.       

Il est donc assez probable que les impressions de Marlow lorsqu’il remonte le fleuve à bord, lui aussi, d’un vapeur, soient directement inspirées de celles de Conrad lorsqu’il joignit Stanleyville. L’auteur, qui a posé ses yeux sur ces berges sauvages, qui a navigué sur cette eau brune et épaisse regorgeant de dangers, qui a entendu les troublants murmures de la forêt, cet homme a transféré à son héros une partie de son vécu intime, il a créé un double romanesque de lui-même. On peut donc lire Au cœur des ténèbres comme une histoire en partie autobiographique et cela renforce indéniablement la fascination que l’œuvre exerce sur le lecteur.

Mais revenons à l’histoire : Marlow est donc engagé par une société commerciale belge pour retrouver un certain Kurtz, un homme que le lecteur découvrira en même temps que Marlow, qui narre d’ailleurs sa propre histoire. Son périple tout au long du fleuve est ponctué par une série de rencontres : des hommes ayant tous plus ou moins oublié ce que peut être la civilisation, des hommes dont la vie a été durement marquée par les privations, le climat, les maladies, qui ont perdu leurs illusions et semblent rester sans raison au cœur de cette Afrique qui a fini par les posséder.

Puis vient la rencontre avec celui que l’on attend durant toute cette novella, le fameux Kurtz. Son image s’est immiscée comme un lent poison dans l’esprit de Marlow. Au départ à peine esquissé, le portrait de Kurtz se précise au fur et à mesure des rencontres que fait Marlow. Ses interlocuteurs parlent de lui comme d’un homme « remarquable », « extraordinaire », un homme qui n’a pas son pareil mais reste tout à fait à l’écart, volontairement, de la civilisation. Sa tyrannie, qui est folie, semble l’avoir coupé du monde pour de bon.

Nous ne dévoilerons évidemment pas ici tous les aspects du roman. Conrad parvient admirablement à marier le genre du roman d’aventures à la description psychologique inspirée, sa démarche semble avoir été de montrer au monde occidental ce qu’il a peu à peu oublié : la part sauvage de l’homme, qui sommeille au fond de la conscience de chacun et se réveille au contact d’une nature hostile, voire cruelle, qui change quiconque fait l’expérience de cette perte de repères. Mais il ne faut pas croire toutefois que cette perte de repères correspond à une perte de l’humanité dans l’homme : Marlow, et surtout Kurtz, redécouvre une vie qui s’est dégagée des considérations morales de l’homme civilisé mais qui n’est pas pour autant une vie déshumanisée. Les critères du jugement ont seulement changés, et avec eux, le rapport intime que l’homme entretient avec le monde et ses semblables. On pourrait, pour commenter cette démarche visant à retrouver une vie « naturelle », gouvernée par les seuls instincts, citer Samuel Johnson, qui disait : « Celui qui se fait bête se débarrasse de la douleur d’être un homme ». Kurtz, pourtant, semble évoluer en marge des deux et s’il n’est plus tout à fait l’homme auquel on peut penser, cet homme qu’est encore Marlow, aux réflexes conditionnés par l’éducation et la morale, il n’est pas non plus la bête dont parle Johnson. Pour son malheur, il ne peut l’être, étant né homme.

Nous espérons que ces quelques lignes auront donné envie au lecteur de découvrir ce court chef d’œuvre, si bien écrit et dont chaque ligne, en nous enfonçant davantage au cœur de la nature humaine et de l’Afrique des mythes et des légendes, amène à reconsidérer les acquis de la civilisation et jette une lumière parfois intolérable sur cette apparente sensation d’ultime liberté, qui semble émerger du chaos.       

 

 

Francis Ford Coppola

Au cœur des ténèbres a inspiré F. F. Coppola de la plus belle des manières : il lui a permis de réaliser un chef d’œuvre de noirceur à la portée critique indéniable. Encore aujourd’hui, il figure parmi les films les plus connus du grand réalisateur américain, à côté, notamment, de la trilogie du Parrain.

Avant de nous pencher sur Apocalypse Now, quelques mots sur son réalisateur et notamment sur sa carrière avant ce film.

Le parcours de F. F. Coppola, s’il fut ponctué de chefs d’œuvres qui devinrent par la suite des films cultes, a néanmoins connu des hauts et des bas. Il débute dans les années 60, sous la houlette de Roger Corman, grande figure d’Hollywood et réalisateur réputé de films de série B à qui l’on doit également d’avoir découvert des réalisateurs de grand talent comme Martin Scorsese, Ron Howard ou encore Jonathan Demme.         

Sa première œuvre notable en tant que réalisateur est Dementia 13 (1963) pour lequel il a obtenu de Corman l’autorisation de tourner avec les mêmes décors, la même équipe technique et les mêmes acteurs que pour The Young Racers (1963), un film réalisé par Corman lui-même et pour lequel Coppola était réalisateur de seconde équipe.

Après l’obtention de son diplôme de fin d’études à l’UCLA (University of California, Los Angeles) Film School (où il a entretemps rencontré un certain Jim Morrison), il se voit offrir par Jack Warner (l’un des fondateurs de la mythique société de production Warner Bros.) l’adaptation cinématographique de la comédie musicale Finian’s Rainbow (créée en 1947). La chanteuse Petula Clark et l’incontournable Fred Astaire sont de la partie. Rien de moins. Si le film est une demi-réussite, il a toutefois le mérite de permettre à Clark de lancer sa carrière d’actrice aux Etats-Unis.

C’est sur le tournage de Finian’s Rainbow (en français La Vallée du bonheur, 1968) qu’il rencontre un homme qui marquera lui aussi de son empreinte l’histoire du cinéma, mais ce, dans un tout autre registre : George Lucas. Alors jeune stagiaire (eh oui, le père de Star Wars a débuté comme tout le monde, au bas de l’échelle), Lucas développe parallèlement la réalisation de son film de fin d’étude : THX 1138 : 4EB. Le court métrage sera récompensé par un prix et Coppola, qui a entretemps sympathisé avec Lucas et a créé avec lui en 1969 la société de production American Zoetrope, encourage ce dernier à réaliser une version longue de son film qu’il s’engage à produire.

Malheureusement, THX 1138 (1971) est un désastre financier et Coppola se retrouve obligé d’accepter un film de commande. Lui qui rêvait d’être indépendant… Le film en question est tiré d’un roman de Mario Puzo ayant pour titre… Le Parrain (publié en 1969). Produit par Robert Evans (également producteur de Rosemary’s Baby ou de Chinatown), le film est dès sa sortie (1972) un succès incroyable est permet d’amortir confortablement un investissement de départ pourtant important (6.500.000 dollars – en comparaison, Dementia 13 n’avait bénéficié que de 30.000 dollars). Au-delà des qualités évidentes de mise en scène et de scénario, le film doit également son succès à la présence d’une pléiade d’acteurs de grand talent, dont certains déjà connus à l’époque : Marlon Brando, Al Pacino, Robert Duvall, James Caan… sans oublier Diane Keaton.

L’année précédant la réalisation du Parrain, Coppola avait été pour la première fois récompensé aux Oscars mais en tant que scénariste : pour le film de Franklin J. Schaffner, Patton (1970), film biographique sur le général du même nom qui reçut, en plus de l’Oscar du meilleur scénario, 6 autres Oscars dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur pour George C. Scott.    

Le Parrain obtiendra quant à lui 3 Oscars en 1972 : celui de meilleur film, de meilleur scénario adapté et de meilleur acteur pour Marlon Brando, qui refusera le prix pour protester contre la manière dont le cinéma américain traite les Indiens dans ses films. Pour l’occasion, il enverra à sa place à la cérémonie de remise des Oscars Sacheen Littlefeather, activiste pour la défense des droits civiques des Indiens. Cette dernière arrivera costumée de la tête au pied en Apache.

Deux ans après Le Parrain, Coppola tourne sa suite : Le Parrain – 2ème partie (1974). Marlon Brando, qui incarnait Vito Corleone, a cédé la place à son fils : Michael Corleone, joué par Al Pacino. Robert De Niro est également de la partie, Coppola l’ayant intégré au casting pour le rôle de Vito jeune. Le film remportera à nouveau l’Oscar du meilleur film et Coppola est enfin récompensé de son travail de réalisation car l’Académie des Oscars lui décerne également celui du meilleur réalisateur. 

Son film suivant est Apocalypse Now.

 

Le film

On l’a dit, Apocalypse Now n’est pas ce que l’on pourrait appeler une adaptation fidèle du roman de Joseph Conrad. A vrai dire, Coppola n’a, d’une manière générale, gardé du film que la remontée du fleuve d’une équipe à la recherche d’un mystérieux individu qui semble échapper aux qualificatifs. La trame est donc conservée mais le contexte historique, quant à lui, diffère complètement.                                                                                                                                                                         

Conrad avait placé son histoire en plein cœur du Congo belge, à la fin du 19ème siècle. Lorsque Coppola entreprend la réalisation de son film (en mars 1976), les Etats-Unis sortent à peine de la très meurtrière et très controversée guerre du Viêt Nam.                                                                                                            

Ce nouveau contexte semble comme s’imposer de lui-même. On remarquera sur ce point que si Apocalypse Now est sorti en salles seulement 4 ans après la fin de la guerre, il n’est toutefois pas le premier film américain à avoir traité du conflit. En 1978, soit juste un an avant Apocalypse Now, sortait Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) de Michael Cimino, qui reste indéniablement le chef d’œuvre de ce dernier. Le film, illuminé par les présences magnétiques de Robert De Niro et de Christopher Walken (ce dernier obtiendra d’ailleurs pour cette performance l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 1979), traite, au-delà de l’aspect historique de la guerre du Viêt Nam, qui est très bien reproduit, des traumatismes, physiques comme psychologiques, subis par les soldats américains pendant et après les conflits (on pourra également voir sur ce point le très beau Birdy, d’Alan Parker, sorti en 1984, avec au casting Matthew Modine et Nicolas Cage).      

Coppola décide donc de transposer son récit en plein cœur du conflit, remplace les marins du steamer de Marlow par une petite équipe de soldats. Toutefois, leur but est similaire à celui poursuivi par Marlow : si ce dernier, dans le roman de Conrad, part à la recherche d’un Kurtz qui donne de moins en moins signe de vie et semble comme avoir décidé de définitivement couper les ponts avec la civilisation, les soldats américains, de leur côté, remontent un fleuve afin de trouver un colonel également nommé Kurtz, qui semble avoir perdu la raison et opère maintenant en toute liberté, sans tenir compte des ordres de sa hiérarchie.

Le film débute à Saigon, au Viêt Nam, où l’on rencontre le capitaine Benjamin Willard (brillamment interprété par Martin Sheen) qui tente de noyer son désespoir dans la boisson en attendant qu’on daigne lui confier une quelconque mission. Elle finit par arriver et se révèle particulièrement périlleuse. De plus, elle est classée top-secret. En effet, Willard reçoit l’ordre par ses supérieurs de remonter la rivière Nung, en plein cœur de la jungle vietnamienne, de pousser son périple vers le territoire cambodgien (resté neutre) afin de retrouver le colonel des Forces Spéciales Walter Kurtz (Marlon Brando) et de le tuer afin de l’empêcher une bonne fois pour toutes de continuer ses sanguinaires massacres.

La tâche est rude mais de toute façon Willard n’a pas le choix. Il rejoint donc l’équipe d’un PBR (Patrol Boat River, il s’agit d’un petit bateau (moins de 10 mètres) massivement utilisé par la Navy durant la guerre du Viêt Nam et dont l’occupation principale était la recherche et le contrôle d’embarcations ennemies pour contrecarrer le trafic d’armes et le ravitaillement).

Celle-ci se compose d’individus pour le moins assez différents les uns des autres. Nous avons tout d’abord « Chief » (incarné par Albert Hall), le commandant du PBR qui est certainement celui parmi les soldats qui possède le plus de sang-froid. Bien qu’il soit relativement effacé, sa présence est palpable et lorsqu’il parle, on l’écoute. Il y a également « Chef » (Frederic Forrest qui a tourné plusieurs fois pour Coppola : dans Conversation secrète (The Conversation) en 1974, Coup de cœur (One from the Heart) en 1982 et Tucker (Tucker : The Man and His Dream) en 1988), un homme à la nervosité à fleur de peau qui finira par se droguer pour échapper à l’idée que la mort peut surgir à tout moment de la jungle.                                            

Parmi cette équipée on trouve aussi Lance (Sam Bottoms), un jeune homme connu dans son pays pour ses exploits de surfer. Il semble être le soldat le moins concerné par la situation et finira progressivement par perdre la raison, aidé en cela par une consommation ininterrompue de psychotropes. Enfin nous avons le plus jeune de la bande, le très volubile « Mr Clean », probablement surnommé ainsi par qu’il se trouve être le préposé à la mitrailleuse Browning qui surmonte le PBR. Il est interprété par l’adolescent Laurence Fishburne (autrement connu pour son rôle de Morpheus dans la trilogue Matrix). Fishburne a dû mentir sur son âge pour intégrer le casting d’Apocalypse Now : alors que son personnage devait paraître avoir 17 ans, il réussit à se faire engager alors qu’il n’avait, en réalité, que 14 ans… Sa performance est impressionnante.                          

Voilà l’escouade qui partage avec la capitaine Willard les 10 mètres du bateau. Au fur et à mesure que tous s’enfoncent dans la jungle vietnamienne, les tensions grandissent : Willard ne peut leur avouer que sa mission consiste à tuer un colonel de l’armée américaine, réfugié au fin fond du Cambodge et qui semble avoir créé de toutes pièces, aidé en cela par sa force de manipulation mentale et la superstition des autochtones, un véritable culte autour de sa personne. De fait, les soldats ne peuvent que se plier aux ordres de Willard, qui tiendra pendant un long moment sa mission secrète, comme ses supérieurs lui ont demandé.                                                                                                                       

Mais le véritable facteur de tension entre les hommes est moins le fait de cette mission secrète que de l’éventualité de leur mort, qui peut arriver à tout moment. Apocalypse Now est moins un film de guerre qu’un film sur la guerre et ceux qui ne l’ont pas encore vu chercheront en vain les scènes de combat. Il y a bien sûr des moments de bravoure : l’attaque d’un avant-poste vietnamien par un escadron d’hélicoptères emmené par le kamikaze lieutenant-colonel Kilgore (Robert Duvall) avec, en fond sonore, la Chevauchée des Walkyries de Richard Wagner, une séquence devenue culte. On pourra également mentionner l’incident survenu alors que l’équipage du PRB surprend sur le fleuve une embarcation vietnamienne : le contrôle de routine, imposé par « Chef » à un autre membre du groupe, vire rapidement à l’affrontement verbal entre les deux hommes et un mouvement suspect d’une vietnamienne effraie complètement Mr Clean et Lance, qui mitraillent soudainement le bateau, dans un accès de panique, laissant seulement un agonisant qui sera bientôt achevé par Willard (un épisode qui pourra rappeler une des dernières scènes de la fin de Full Metal Jacket, de Stanley Kubrick, sorti en 1987 et traitant lui aussi de la guerre du Viêt Nam).     

                 Mais d’une manière générale, le combat dans Apocalypse Now est relayé au second plan. Selon moi, le sujet principal de ce film est l’attente, qui se décline d’ailleurs selon trois modes différents, se répondant les uns les autres. Il y a tout d’abord cette attente horrible tout au long du fleuve, que concerne chacun se retrouvant à naviguer sur celui-ci : le jeu des acteurs rend parfaitement cette atmosphère électrique dans laquelle baignent les craintes, fondées, des soldats, de se voir à chaque instant la cible des balles ennemies. C’est particulièrement le cas lorsque le PRB quitte la zone connue par les forces américaines et commence à s’enfoncer dans des territoires peu explorés, encore susceptibles de cacher toutes sortes de dangers (deux des membres manquent de peu de se faire dévorer par un tigre). Il faut donc bien ouvrir les yeux pour éviter de devoir les fermer pour toujours.

                Ensuite nous avons une attente d’un autre ordre, qui concerne particulièrement le capitaine Willard : la rencontre avec Kurtz. Depuis le départ, le capitaine a recueilli des informations étonnantes provenant de sources diverses mais qui font toutes de Kurtz un personnage hors du commun. Un fait qui, sur ce point, rappelle bien le roman de Conrad. A mesure qu’il épluche le dossier de Kurtz, que lui a remis son état-major et qu’il a emporté avec lui sur le bateau, Willard est décontenancé par ce qu’il découvre : le colonel Kurtz semble avoir était un modèle de patriotisme et de bravoure, il a été récompensé par de nombreuses distinctions, ses états de service sont irréprochables… Qu’est-il donc arrivé pour qu’il décide subitement de quitter l’armée et de s’enterrer en pleine jungle cambodgienne ? Plus le film avance et plus cette question envahit l’esprit de Willard au point qu’il finit par ne plus tenir compte des dangers de sa mission et ne souhaite plus qu’une seule et unique chose : rencontrer, coûte que coûte, celui que les indigènes ont érigé en dieu.                                                                   

             Enfin, il est une troisième attente, beaucoup moins visible mais qu’il ne convient pas, à mon sens, de passer sous silence car elle sous-tend l’ensemble du film : l’attente de la fin de la guerre. Apocalypse Now est d’abord et avant tout un film qui dénonce la présence des troupes américaines au Viêt-Nam et les conditions de vie des soldats dont beaucoup se demandent pourquoi ils combattent et quand cette guerre finira. Plusieurs séquences du film montrent une armée davantage préoccupée par la possibilité de se distraire que par le sentiment profond et patriotique d’une guerre juste qu’il convient d’achever. Que peut-on penser du lieutenant-colonel Kilgore, dont l’obsession pour le surf ira jusqu’à mettre en péril la vie de ses soldats ? Alors que le village vietnamien flambe encore sous le napalm et que les balles n’ont pas fini de siffler dans l’air, il ordonne à deux de ses hommes d’aller tester les rouleaux qui déferlent devant lui, avant de vouloir aller les surfer lui-même. Que penser également de la grande parade organisée en pleine jungle (une scène particulièrement surréaliste) où les soldats assistent à un show, plus ou moins improvisé, de miss à moitié dénudées aux danses pour le moins aguicheuses ? La séquence est assez indescriptible. On retrouvera certaines de ces playmates dans un avant-poste américain abandonné où elles partageront, l’espace de quelques heures, les rêves et les peurs des soldats de l’équipage de Willard.

                A cette attente fait immanquablement pendant le doute qui ronge les soldats américains, comme le rappelle bien Gaëtan Chaubert, dans l’article qu’il consacre à Apocalypse Now, sur le site de l’association Thucydide-Conception : « L'action du film se situe en 1969, après l'offensive du Têt de janvier 1968, c'est-à-dire à un moment où les Etats-Unis ne sont plus sûrs de pouvoir remporter militairement cette guerre ».

                Apocalypse Now fait donc partie de ces films engagés contre la guerre du Vietnam, qui ont vu le jour dès les années 60 et parmi lesquels Gaëtan Chaubert range également le célèbre MASH, réalisé par Robert Altman et sorti en 1969.     

                Coppola invite donc son spectateur à une vision critique de son œuvre mais ne réalise pas pour autant un film qui ne serait que pur engagement politique de sa part. Si son propos porte bien sur les dérives d’une guerre illégitime, il fait aussi la part belle à l’introspection psychologique et, comme Conrad avant lui, questionne les notions de bien et de mal, de morale et d’immoralité.

                Regarder Apocalypse Now, c’est accepter de perdre ses repères l’espace de quelques heures, c’est accepter d’accompagner Willard, Chef et les autres au cœur de cette jungle délétère qui semble comme dévoiler par moments aux yeux de l’homme la part de sauvagerie qui sommeille encore en lui. C’est un voyage difficile que celui de ces hommes engagés dans une guerre qui rapidement les dépasse, une guerre dont ils ne connaissent d’ailleurs pas tous les tenants et aboutissants. En cela, le destin des soldats de ce petit bateau, remontant les eaux glauques d’un fleuve qui peut à tout moment les engloutir, est à l’image du destin de nombreux autres, qui ont connu l’enfer de la guerre et de la remise en question de toutes les valeurs humaines.                   

Martin, de l'équipe Plumicule.

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5 mai 2014

Frankenstein

Dans le cadre de notre projet tutoré, nous avons proposé un cycle Frankenstein suivi d'un débat. Nous avons projeté l'adaptation de James Whales et celle de Kenneth Branagh. Certains d'entre vous étaient présents et de nouveau, merci à vous.

Il y a quelques semaines, Adeline a publié sa critique de l' adaptation de Whales. A mon tour de vous proposer la mienne mais sur le film de Branagh.

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Bref retour sur le livre. Habituée à la figure mythique du monstre par sa représentation dans la culture populaire, je l'imaginais comme un être monstrueux, sanguinaire et avant tout, comme un être dénué d'émotions. Je fus donc surprise à la lecture de découvrir une créature malheureuse et en quête de chaleur (et non de chair) humaine. A travers ses complaintes, nous apprenons qu'il est victime des préjugés et de l'intolérance des autres. Résultat des ambitions scientifiques de son créateur, Victor Frankenstein, il cherchera à se venger de celui qui l'a fait naître dans un monde qui le rejette, en semant la terreur dans l'entourage du savant. La nature imposante cadre le récit de ce roman au ton gothique. Des paysages qui relèvent du sublime, orages, glaciers, ravins et forêts... nous transportent dans un univers angoissant, où les éléments semblent nous dépasser.


Kenneth Branagh réalise cette adaptation en 1994 et interprète par la même occasion le rôle de Victor Frankenstein.
Ce film se veut le plus fidèle
au livre. En effet, quasiment toutes les situations clés y figurent. Pas besoin de rappeler le pitch, il n'y a pas de grandes modifications de l'histoire ou d'apport scénaristique, sauf la fin. On est au cinéma, l'originalité viendra de la mise en scène, de la transposition visuelle du roman. Tout d'abord, le décor où la nature est omniprésente tout comme dans le roman. On peut ainsi se rendre compte des paysages qui fascinent, le Pôle Nord, les montagnes de la Suisse, les glaciers...
J'ai trouvé la mise en scène grandiloquente, surjouée mais avec toutefois de très belles scènes qui revêtent un certain lyrisme. Les personnages semblent être tout le temps dans la précipitation, ça court, ça tourbillonne... Malgré le rythme assez rapide, j'ai trouvé que le film avait quelques longueurs vers la fin.
Pour interpréter le monstre, un monstre sacré du cinéma, Robert de Niro.
Talent indéniable, son jeu d'acteur n'est pas vraiment mis en valeur dans ce film. Malheureusement, son personnage n'a pas la même carrure que celui interprété par Boris Karloff, les quelques grossières cicatrices n'impressionnent guère.

Je ne sais si c'est le cas ou non, mais il semble que Branagh se soit inspiré de Frankenstein, la version de James Whales,  avec l'exclamation « It's alive ! » ou l'utilisation du corps d'un criminel, exécuté par pendaison, pour la création de la créature.

Mélanie, de l'équipe Plumicule

2 mai 2014

Cendrillon

Bonjour tout le monde ! 

Si je vous dis : "Il était une fois une petite fille qui vivait avec sa méchante marâtre et ses deux demi-soeurs. Celles-ci l'obligeaient à faire de nombreuses  et pénibles corvées. Pour se réchauffer, cette petite fille dormait près de la cheminée et son visage était recouvert de cendres chaque matin à son réveil. Ce qui lui valut le surnom de Cendrillon". Hey oui ! Je vous le donne en mille, il s'agit bien de Cendrillon de Charles Perrault. Alors, profitez des derniers jours de vacances pour faire une relecture !

 

Le conte : "Cendrillon ou la Petite pantoufle de verre" / "Cendrillon " de Disney.

Cendrillon est Le Conte par excellence de Charles Perrault, publié en 1697, qui a fait l'objet de nombreuses adaptations cinématographiques. C'est le conte de fée qui a bercé beaucoup de générations d'enfants au fil des siècles et qui reste encore aujourd'hui un conte très apprécié par de nombreux enfants. Mais pourquoi ? Tout simplement parce que ça raconte l'histoire d'une petite fille élevée par sa marâtre et avec ses deux méchantes petites pestes de demi-soeurs. Cette pauvre enfant en est réduite au stade de servante et surtout, la cerise sur le gâteau : elle a comme surnom "Cucendron ". Mais, bien sûr, un soir, aidée par sa marraine, la bonne fée, elle réussira  à sortir de cet affreux enfer en se rendant à un bal et par la même occasion, à rencontrer l'amour grâce à un beau prince charmant.

 

Des siècles plus tard, Disney reprendra ce célèbre conte de Perrault en y mettant des touches de merveilleux pour le bonheur des enfants. La trame reste la même mais la magie de Disney y opère : des animaux qui parlent comme les fameuses petites souris très rigolotes qui confectionnent la robe de Cendrillon pour qu'elle puisse aller au bal. Sans oublier, les deux   demi-soeurs , Anastasie et Javotte, plus ridicules que jamais ! Mais surtout, la très très célèbre chanson de la marraine la bonne fée pour faire apparaitre le carrosse de Cendrillon et sa robe de bal.

Voyons ce petit extrait :

Cendrillon - Bibbidi-Bobbidi-Boo HD

 

Depuis Disney, environ 20 films sont sortis au cinéma et notamment un en particulier dans les années 90. Il s'agit de A tout jamais : la véritable histoire de Cendrillon d'Andy Tennant en 1998. Voyons cela à présent.

 

A tout jamais: la véritable histoire de Cendrillon est une célèbre adaptation de l'histoire de Cendrillon que le monde entier connait depuis plusieurs générations. Cette adaptation reprend la trame principale de l'histoire mais avec quelques divergences. Pourtant, on reconnait bien là, cette fameuse histoire d'amour. Ici, cette jeune fille porte le nom de Danielle, et non Cendrillon. Elle a aussi deux demi-soeurs, dont une qui est plutôt sympathique. Sans oublier qu'il n'y a pas de bonne fée car celle-ci est remplacée par un Léonard de Vinci devenu une sorte de guide spirituel pour Danielle et le Prince. Quant au Prince, il ne ressemble pas à un pantin comme dans les autres adaptations de ce conte. Concernant les distributions, elles sont justes géniales : Drew Barrymore nous livre une performance éblouissante. Ses émotions sont réalistes et elle donne à son personnage du charme, du caractère, de l'esprit et de la beauté. Sans oublier une Anjelica Huston grandiose dans son rôle de « méchante » belle-mère. Dans ce film, elle est une mère ambitieuse qui ferait n'importe quoi pour faire de sa propre fille une reine.

Comme dans tous les contes de fées, il y a obligatoirement un "happy end" à la fin. Le mot de la fin sera donc celui-ci : un film merveilleux à voir ou à revoir en famille !

 

Petite bande annonce pour les amateurs :

Bande annonce A tout jamais: une histoire de Cendrillon

 

                                                                                                                  Laetitia, de l'équipe Plumicule.

 

29 avril 2014

Le monde de Charlie - "the perks of a being a wallflower"

Voilà un roman ado qui ne laisse pas indifférent. C'est à cause de son adaptation et de la présence d'Emma Watson (elle fait le personnage de Sam) au casting qui m'a attirée. Sa première de couverture, avec trois adolescents qui n'ont pas l'air si mal dans leurs baskets, parait de prime abord tout à fait normale et pourtant c'est un roman qui parle de sujets durs comme l'homophobie, la pédophilie, l'avortement mais aussi de l'amitié et l'amour, mais surtout d'un des moments charnières dans une vie, l'adolescence.

Dans ce roman nous suivons les aventures de Charlie, qui écrit des lettres à un inconnu que lui connait. Je trouve dommage que dans le film ce style épistolaire assez particulier (car à sens unique puisque nous lisons les lettres que Charlie envoie mais celui qui les reçoit ne répond jamais). Je ne dis pas qu'il n'est pas présent mais je n'ai pas eu la même sensation d'intimité et de "contact" avec le personnage. Dans le roman, on a la sensation que nous, lecteur, nous sommes la personne à qui Charlie envoie les lettres. Dans le film, le spectateur est moins impliqué que dans le roman. Le style épistolaire n'est pas forcément facile à appréhender (Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos en est un bon exemple), car il y a beaucoup de points de vues différents. Je trouve que c'est un roman qui fait goûter à ce style d'écriture, sans effrayer le jeune lecteur.

Le Monde de Charlie - Bande annonce VOST

Après cette BA, je reprends donc ma présentation, l'histoire raconte le point de vue de Charlie. C'est un jeune garçon qui est comme en décalage avec les autres adolescents. Il est sensible et assez renfermé sur lui même. Son évolution se fera avec l'aide de ses amis Sam et Patrick. Ce sont deux adolescents qui eux aussi ne sont pas raccord avec les autres ados. Ces derniers évoluent dans un groupe qui est tout aussi en décalage qu'eux.  Charlie sera aidé aussi par son professeur de littérature, Bill, qui lui fera lire des ouvrages en raccord avec la vie de Charlie.

J'ai tout d'abord vu le film avant de le lire. Le film malgré ses thématiques difficiles me paraît bien plus doux par rapport au livre. Dans le film Charlie se défonce moins que dans le livre. SPOIL ! Ce dernier à une addiction aux drogues, il boit beaucoup, fume etc. Bref, on se demande comment il ne finit pas en échec scolaire. Cela vaut aussi pour ses amis qui se défoncent et qui finissent tout de même diplomés. FIN DU SPOIL !

Il y a aussi des moments où le temps se dilate alors qu'à d'autres, l'évènement filmé me semble moins développé. Vers la fin du film, je trouve que c'est l'inverse, c'est beaucoup plus long. Le rythme du film parait plus linéaire contrairement au roman qui avance souvent, par à-coups, entre chaque lettre.

L'époque du roman a été adaptée à notre époque (il me semble en tout cas). Les lettres de Charlies datent de l'année 1991-1992 alors que le livre a été publié en 1999 et le film réalisé en 2012. Pourtant, je n'ai pas senti un décalage entre des faits qui auraient pu se passer lors de ces différentes années. Pour ma part, je pense que se sont des sujets qui n'ont pas encore trouvé de solutions.

Mon avis sur le film comme sur le roman est que l'un comme l'autre ne m'ont pas laissée indifférente. Le film m'avait particulièrement plu, car je n'avais pas lu quoi que ce soit à son sujet avant de le voir, et ça a été une belle surprise. Après l'avoir vu, je me suis lancée dans la lecture et je n'ai pas été déçue. L'un comme l'autre sont à voir car ils traitent de sujets qui sont durs, ce que je veux dire par là c'est que se sont des sujets qui sont peu abordés et même tabous encore à l'heure d'aujourd'hui et qu'il est important d'en entendre parler. Enfin, je peux dire qu'avec ce roman j'ai découvert beaucoup de titres de musiques et d'ouvrages en littérature. Le film lui me reste grâce à cette scène là.

(VOSTFR) Le Monde de Charlie - scene finale

 

Bonne lecture et bon film !

 

Angéline

25 avril 2014

Paranoid Park de B. Nelson, adapté au cinéma par Gus Van Sant

Paranoid Park, un livre que j'ai eu envie de lire suite au film !

  • En 2006 est publié le roman Paranoid Park de Blake Nelson (auteur américain de Portland, lieu où se déroule l'action).

paranoid park poche

L'histoire est simple, c'est celle d'un jeune de dix-sept ans, Alex, qui tue accidentellement un agent de sécurité lors d'une sortie au skate park. Il n'y a aucun témoin, mais est-ce cela l'important ? Peut-on vivre tranquille avec sa conscience lorsque l'on a tué quelqu'un ?

Voilà autour de quoi tourne l'oeuvre, le sentiment de culpabilité, de souffrance, d'ignorance... de psychologie sur l'adolescence. Au fil du livre, on entre en profondeur dans la psychologie du protagoniste, il évolue et grandit. Ce thriller psychologique est étonnant puisqu'il s'agit en fait du journal ou des lettres qu'écrit Alex, ce sont ses pensées, son besoin de se confier que l'on a devant les yeux.

On se sent intime avec lui et en même temps, on sent que l'on est en train de lire quelque chose que nous ne devrions pas avoir sous les yeux. On a la preuve d'un meurtre dont personne ne connait le coupable sauf celui qui écrit ces lignes... Le sentiment éprouvé lors de la lecture peut être assez étrange, on se sent parfois mal à l'aise, parfois triste pour Alex.

Dans tous les cas c'est un roman qui nous happe et nous tient en alerte. Blake Nelson a un don pour comprendre la complexité de la pensée et nous la donne sans mode d'emploi. On se retrouve dans des noeuds de confusions et de sentiments contradictoires.

Je ne résiste pas à l'envie de vous citer le début du roman:

"3 janvier
Seaside, Oregon
(Nuit)

Chère...

Me voilà arrivé dans la maison de plage de mon oncle Tommy. Il est environ neuf heures du soir. Je suis à l'étage, tout seul. J'ai mon stylo, mon cahier à spirale...
Je ne sais par où commencer. Je ne sais même pas si ce truc est à ma portée. Mais je vais essayer. ça ne peut guère empirer les choses...
Dehors il pleut et il fait noir aussi. J'entends les vagues s'écraser au loin comme de petites bombes qui explosent.
Bon. Je viens de descendre me faire un chocolat chaud. Allez, mec, décompresse et écris quelque chose. ça c'est moi qui parle tout seul. Je n'ai qu'à commencer par le début, y aller tranquillement, à petits pas...
Paranoid Park. C'est là que tout a commencé."

"Personne n'est jamais prêt pour Paranoid Park."

Pour les lecteurs frileux, lancez-vous c'est très rapide et en édition de poche il fait 186 pages seulement.

  • Qui dit thriller psychologique adapté en film dit Gus Van Sant ! En 2007, ce réalisateur a adapté le roman à sa sauce.

Voici la bande annonce de Paranoid Park :

Et j'ai un détail croustillant, devinez d'où vient le réalisateur ? De Portland bien sûr !

Paranoid Park affiche film

Connu pour Elephant ou encore Harvey Milk, Gus Van Sant, de par son style lent et contemplatif qui contraste avec des plans plus rapides, nous offre une adaptation formidable. Proche du roman et en même temps très visuel, Gus Van Sant réussit à faire ressurgir la dimension psychologique par la musique, par les gros plans sur les visages des adolescents suivis par les mouvements des skates et par la dualité d'Alex que l'on suit à la fois dans ses rêves et dans la réalité.

Ce thème de l'adolescent perturbé est cher à ce réalisateur puisque son précédent film, Elephant revenait sur le tragique massacre de Columbine. La grosse différence c'est que dans Paranoid Park le meurtre n'est plus la finalité, c'est un tremplin pour rebondir, pour changer. C'est le symbole de l'évolution d'Alex.

Le film se fait en deux parties dont l'axe central est la scène du meurtre. Nous avons d'une part le refoulement, l'envie d'oublier, de ne pas assumer et la prise de conscience où Alex tente de vivre avec ce qu'il a fait.

Je ne vous en dis pas plus et vous laisse suivre le cheminement de ce garçon tourmenté.

 

Julia de l'équipe de Plumicule

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21 avril 2014

Peau d'Ane

18964540Peau d'Ane de Perrault ou Peau-de-Mille-Bêtes des frères Grimm ?

Je me lance dans la lecture de ces deux courts contes avec en tête de vous parler de l'adaptation réalisée en 1970 par Jacques Demy, "Peau d'âne". 

Dans ces deux contes, nous avons un roi qui souffre de la promesse faite à sa femme avant qu'elle ne meure : "tu devras épouser une femme aussi belle que moi et aux mêmes cheveux" ... Autant vous dire que c'est compliqué puisque la reine était FORT belle et que malgré tous les coursiers et messagers envoyés par le roi, tous reviennent bredouilles. Puis un jour, miracle, le roi pose les yeux sur ... sa propre fille, qui ressemble énormément à sa mère (à peu près comme deux gouttes d'eau en fait), du coup, le roi se décide à épousailler sa fille. Celle-ci ne l'entend pas de cette manière et essaye de lui faire entendre raison en lui demandant des choses impossibles. A partir de là, les deux contes divergent. Celui de Perrault propose une aide, une béquille à la princesse, en la personne de sa Marraine, qui s'avère être une fée (qui a dit qu'il n'y aurait pas de magie ?) ; tandis que du côté de nos frères Grimm, la jeune fille n'a besoin de personne pour trouver l'idée toute seule (futée ?!). 
Mais bien entendu, le roi répond à ses demandes sans plus tarder, si bien que la jeune fille est bien embêtée ! Alors elle demande l'impossible : la peau de l'âne qui fournit tant d'or à son père (Perrault) et un manteau constitué de mille bêtes (Grimm) [et là vous vous dites, je l'aurais parié c'est dans le titre !]. Encore une fois, le roi répond aux exigences de sa fille, mais celle-ci (n'ayant plus d'idées) s'enfuit.

Et puisqu'il s'agit d'un conte et que la plupart finissent bien pour la gentille, "Peau d'âne" obtient ce nom car elle devient souillon et se borne à porter la peau de l'âne. Mais malgré tout, elle rencontre un beau prince et ... (je vous laisse terminer).

Peau-d-Ane_portrait_w858 (1)

 

Ces deux histoires sont sensiblement de la même souche au départ, mais nous offrent deux versions différentes qui se valent cependant. Le bémol que je mettrais à la version de Perrault : la forme du récit, trop "fable avec morale à la clef" à mon goût ... Pour le récit des frères Grimm, le ton est plus agréable, et l'histoire se lit plus facilement.

 

 

Qu'en est-il du film ?

Peau-d-Ane_portrait_w858

Jacques Demy s'est attaché à l'adaptation du conte de Perrault, celle avec la Peau d'Âne et une marraine féérique. 

Sa version, (quasiment devenue une comédie musicale tant les chansons font partie intégrante de l'histoire et font avancer l'intrigue, datant des années 70) n'a pas trop mal vieilli. Les rôles principaux sont attribués à des figures emblématiques dont les noms nous sont encore bien connus : Jean Marais dans le rôle du roi, Catherine Deneuve joue la princesse et donc Peau d'Âne ou encore Jacques Perrin (Océans).

La version qui nous est ici proposée est très fidèle au conte de Perrault, quasiment à la virgule près, si ce n'est la fin qui diffère légèrement. 

Les costumes sont vraiment magnifiques et on comprend que le réalisateur ait mis un point d'honneur à l'esthétique générale de ce film, ne serait-ce que par la couleur utilisée pour désigner les différents rois et donc royaumes : les sujets du roi bleu sont ... bleus et il en va de même pour les sujets du roi rouge ...

L'adaptation du conte de Perrault contrairement à celui des Grimm est sans doute plus judicieuse pour cette question de l'esthétique, car beaucoup plus féérique. 

La fameuse scène de la préparation du gâteau dans lequel Peau d'Âne glisse un anneau surmonté d'un rubis n'a pas été créée pour le film, mais est bien présente dans l'oeuvre originale (pour vous faire moins rêver, les frères Grimm font faire trois plats à notre héroïne : c'est dans de la soupe qu'elle laisse un anneau, dans une deuxième soupe elle dépose un rouet d'or et enfin dans une troisième soupe elle laisse un dévidoir d'or - autrement dit le prince est souffrant et on ne lui sert que de la soupe, Peau d'Âne ne cherchant qu'à le faire s'étouffer avec un de ces objets ...).

Pour toutes celles (et ceux) qui seraient tentés de recréer cette recette, a priori le résultat est plutôt désagréable et la fameuse bague que vous pourriez "laisser tomber" dans le plat ne supportera sans doute pas le four ... A bon entendeur !

Tout de même pour le plaisir et pour les plus kamikazes du fourneau, la chanson et ses paroles :

En tout cas je sais pas vous, mais faire un gateau habillée comme ça, ça fait rêver !

Préparez votre pâte, dans une jatte plate

Et sans plus de discours, allumez votre four

Prenez de la farine, versez dans la terrine

Quatre mains bien pesées, autour d’un puits creusé

Choisissez quatre oeufs frais, car à plus de vingt jours

Un poussin sort toujours, un bol de lait entier

Bien crémeux s’il-vous-plaît, de sucre parsemez

Et vous amalgamez, une main de beurre fin

Un souffle de levain, une larme de miel

Et un soupçon de sel.

Il est temps à présent, tandis que vous brassez

De glisser un présent, pour votre fiancé.

Un souhait d’amour s’impose, tandis que la pâte repose

Lissez le plat de beurre, et laissez cuire une heure.

 

Pauline, de l'équipe Plumicule

19 avril 2014

Lettre d'une inconnue : Zweig & Ophuls

Cette semaine Le Studio diffuse sur son écran l’adaptation de la nouvelle Lettre d’une inconnue. Après avoir lu le livre – très court mais très intense – que je vous conseille donc, j’ai profité de l’occasion pour connaitre la version filmique.

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« « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » Musset aurait pu commencer cette sublime et déchirante lettre d’amour où Stefan Zweig nous plonge dans les insondables profondeurs d’une passion dévastatrice absolue et obsessionnelle. » Voici le début de la préface écrite par Elsa Zylberstein.

Celle-ci n’est pas longue, deux pages in-folio, mais d’une grande clarté. Les premières lignes m’ont paru être celles qui définissaient le mieux l’ouvrage.

 L’œuvre et le film étant très courts tous les deux, la comparaison se fera au fur et à mesure du récit.

 La nouvelle commence avec la présentation du destinataire. R. Juste une initiale, nous ne saurons rien de plus de son nom. Il est un romancier de renom, il a quarante et un ans aujourd’hui. Il rentre, tard dans la nuit, ou tôt dans la matinée.

 Le film s’ouvre à peu près de la même façon. A quelques détails près …. On nous présente Stefan Brand, un pianiste de renom. Ce dernier rentre chez lui sous le joug de la mort, en effet, il a été provoqué en duel – «  Cette fois-ci, il a provoqué le mauvais mari » se moquent ceux qui l’accompagnent, en le quittant.

 Dès l’introduction, nous pouvons constater que l’un des deux personnages principaux a été modifié. Pourquoi le réalisateur Max Ophuls a-t-il pris la liberté de donner une identité à l’homme ? En effet, ce dernier porte le même nom que l’auteur de la nouvelle : Stefan. Certains critiques se sont posés la question sur l’anonymat de R. La réponse qu’ils ont donné à celle-ci est qu’il représenterait une allégorie des hommes de l’époque, voir même de l’auteur. Sans doute le réalisateur s’est-il octroyé la liberté de cette interprétation pour son personnage.

Tout comme le changement entre romancier et pianiste altère quelque peu le récit, mais ce n’est qu’un détail.

 Sans trop en raconter sur la suite, R. en ouvrant et lisant la lettre nous plonge dans l’histoire de l’inconnue. Jamais nous ne connaitrons son nom, elle restera autant une inconnue pour nous que pour lui. Bien que toute sa vie nous fut révélée dans les moindres détails. Une vie d’amour, de dévotion et de passion.

 Pour le bien du film, l’inconnue se nomme Lisa, il est évidemment plus pratique qu’elle porte un nom pour raconter son histoire. Le « je » se prêtant plus aisément à la plume qu’à l’écran. Le thème de l’amour, de la dévotion et de la passion y sont toujours traités mais toujours avec une interprétation propre au réalisateur.

 Le film est tourné en 1948, et il est américain. A cette période, le cinéma hollywoodien est régi par le Code Hays. Ce code, très strict, a été imposé par les studios eux-mêmes suite à un manquement à la morale trop régulier. De fait, cela a entrainé une déviation entre le scénario du film Lettre d’une inconnue et le roman du même nom.  

 Dans l’œuvre littéraire, l’inconnue revoit à trois reprises R. avant que celui-ci ne disparaisse, après lui avoir offert des roses blanches qui trainaient dans un vase sur son bureau. R. n’est qu’un homme à femme, il trouve l’inconnue plaisante, il lui promet monts et merveilles puis l’oublie.

Dans le film, ils passent une soirée inoubliable, cette soirée ferait presque passer Stefan pour un homme amoureux et passionné. Il lui offre les roses blanches avec volonté, elles ne sont pas là par hasard. Il semble la désirer avec plus que de la passion, il cherche à la retrouver – vu qu’il va jusqu’à son lieu de travail.

 Néanmoins, dans les deux cas, il disparait et l’enfant naît dans l’ignorance de son père.

 Par la suite, afin de subvenir à tous les besoins de son magnifique enfant – dont nous ne saurons pas le nom. Elle le dit elle-même « je me suis vendue. Je ne suis pas précisément devenue une fille de la rue, une prostituée, mais je me suis vendue. »

Un fait impossible à faire passer à l’écran avec le Code Hays en place, de fait, la belle Lisa se maria, tout simplement …

 A partir de ce moment là, on perd beaucoup de l’histoire originelle, de la passion et l’entière dévotion qu’elle voue à cet homme. Ce qui est dommage dans le fond, car l’acte comme il est décrit n’a rien de dégradant, elle le fait par amour pour son fils, et elle est plus dépeinte en courtisane, comme une Geisha dans l’attente de son mari – dans le cas présent de R. , son véritable amour. Que comme un acte de prostitution.

De fait, l’histoire a été entièrement changée. Elle ne le revoit pas pour une dernière nuit où il ne la reconnaitra pas à nouveau. Ou elle se sentira humiliée par son attitude désinvolte envers les femmes, alors que son majordome Jean, lui, va la reconnaitre.   

Lorsqu’ils se revoient, il lui semble la connaitre. Elle est mariée, elle va à l’encontre de son mari. Elle n’y va pas dans le but de l’aimer de manière entière et passionnée. Elle se rend à lui pour lui raconter son histoire, leurs histoires … La Lisa qui est dépeinte par Ophuls est pleine d’espoir et d’illusion. Alors que l’inconnue espère mais ne se fait pas d’illusion, car elle le connait mieux que lui-même et sait parfaitement comment il est, malheureusement pour elle.

 Lorsque R. finit la lettre, il porte son regard sur son vase vide. C’est son anniversaire. L’inconnue lui a avoué que pendant onze ans, à sa date anniversaire, elle lui faisait envoyer un bouquet de roses blanches identique à celui qu’il lui avait offert lors de leur première nuit. Et dans ses vagues souvenirs de tendresses où il ne parvient pas à remettre un visage, le sentiment d’un amour perdu se fait. Ainsi se clôt le livre.

Tout deux ont vécu l’amour à leurs façons, et à la fin, ils se sont aussi perdus. L’inconnue ne regrette pas sa vie, tout comme R. ne regrette pas la sienne après ses aveux.

 La clôture du film est différente. Le majordome apprend à Stefan qui est l’inconnue, il lui donne le nom de Lisa. Et s’il comptait fuir le duel, il fait face à son destin. En effet, la boucle est bouclée, le provoquant n’est autre que le mari de feu Lisa qui vient chercher vengeance à cet homme qui a causé la perte de sa femme. Sa femme qui a aimé jusqu’à en mourir un homme qui ne la méritait pas selon lui.

Stefan passerait presque pour quelqu’un de bien. Il regretterait presque d’être passé à côté de Lisa et de son enfant, comme si dans son acte, son désir était de les rejoindre …

 

La nouvelle et l’adaptation ont, finalement, peu de choses en commun. Et pourtant, autant l’une que l’autre m’a plu. Evidemment, il faut relativiser et voir le film comme autre chose que l’ouvrage. C’est dommage de se dire une adaptation et de ne pas faire dans la fidélité, d’autant que l’œuvre est courte et se lit sûrement aussi vite que se passe le film – ce dernier durant une heure trente.

Néanmoins, avec les contraintes du Code cela peut se comprendre et le film reste de qualité. Je ne peux que conseiller d’aller le voir.

Profitez-en, il est au Studio jusqu’au 22 avril 2014 !

 Alicia, de l'équipe Plumicule.

 

16 avril 2014

Frankenstein de Mary Shelley

Frankenstein's_monster_(Boris_Karloff)

 Qui ne connait pas le roman de Shelley, considéré par certains comme le premier roman de science-fiction? Qui n'a pas à l'esprit l'image d'un monstre vert à boulons lorsque ce nom "Frankenstein" est prononcé? Mais si l'oeuvre est connue, elle est pourtant méconnue.

Tout d'abord en ce qui concerne le nom, beaucoup pense qu'il désigne le monstre mais en fait Frankenstein est le nom du scientifique, sa création n'étant désignée que par des termes tels que "la créature" ou "le monstre". On fait également référence à cette histoire comme étant une histoire d'horreur par excellence. Et pourtant à la lecture ce n'est pas (je trouve) ce qui en ressort principalement. Bien sûr il ne faut pas oublier que cette histoire vit le jour à la suite d'un "concours" de ghost stories entre amis et de nombreux éléments de l'intrigue sont destinés à faire peur, comme un scientifique aveuglé par l'ambition, des parties de cadavres volés cousues ensemble par de grossières coutures pour former un corps difforme (sans boulon ni peau verte en revanche), un être gigantesque qui prend vie par une nuit d'orage et qui, en quête de vengeance accomplira plusieurs meurtres de sang froid, un héros rattrapé par ses actions qui sombre dans la folie.... Cette histoire peut en effet faire frissonner, surtout à l'époque. Mais on trouve également dans l'oeuvre de Shelley des questions qui prêtent à la réflexion comme, par exemple, quelles sont les limites de la science et peut-on tout accomplir en son nom? Jusqu'où le scientifique peut-il aller et quand doit-il s'arrêter? ainsi que des thèmes comme l'ambition, l'égoïsme, la lâcheté, l'amour, la vie....


Bref, c'est un livre méconnu qui mérite d'être lu.

C'est également un livre qui a été adapté de (très) nombreuses fois que ce soit au cinéma, à la télévision, au théâtre... beaucoup de ces adaptations sont uniquement inspirées par l'histoire de Shelley et n'en sont pas une adaptation fidèle, ajoutant des faits créés de toutes pièces mais qui furent au fil des ans associés au livre, d'où les fausses idées que l'on peut en avoir aujourd'hui.
La première adaptation parlée de l'oeuvre est le film de James Whale sorti en 1931 c'est aussi une des plus connues notamment grâce à la performance de Boris Karloff (et son maquillage....) C'est pourtant un film très éloigné de l'oeuvre de Shelley. La base de l'intrigue du film est semblable à l'histoire de Shelley. En effet il s'agit d'un scientifique qui décide de donner vie à un être qu'il a créé de toutes pièces. Mais il viendra rapidement à regretter cet acte et cherchera à mettre fin aux agissements de sa créature, qui s'attaquera à Elizabeth le soir de leur nuit de noces. Mais voilà où s'arrêtent les similarités avec le livre.

Le reste de l'intrigue présente de nombreuses différences avec l'oeuvre d'origine. Il y a tout d'abord un changement qui peut apparaître comme n'étant qu'un détail mais qui est oh combien frustrant : les prénoms échangés de Victor et d'Henry. (Pourquoi?!)
Outre les noms, les différences concernent aussi les personnalités de plusieurs personnages comme celui du père de Frankenstein qui apparaît comme un homme dur et grincheux ce qui n'est pas le cas dans le livre, ainsi que celle de Victor (alias Henri dans le livre) qui là semble être amoureux d'Elizabeth. Il n'en est rien dans le roman où il est décrit comme un ami fidèle de Frankenstein.

On ne retrouve pas non plus tout ce qui mène à la nuit fatidique comme l'enfance de Frankenstein, ses études, son vécu qui expliquent pourquoi Victor en est venu à avoir cette idée folle. Tous ces éléments sont pourtant importants pour comprendre ce protagoniste et l'histoire en elle-même.
Mais les différences majeures concernent le monstre. Il n'apprend pas ici à lire et à parler ce qui fait que pendant tout le film le monstre émet des bruits qui n'ont aujourd'hui qu'un effet comique...

Ses crimes ne sont pas "expliqués", n'ont pas le caractère de vengeance qu'ils ont dans le livre et ne résultent pas de la souffrance du monstre. Son seul crime est accidentel et plutôt absurde. On ne sait d'ailleurs pas comment il est arrivé à retrouver la trace de Frankenstein, de sa maison. On ne comprend pas les actions de la créature, on ne sait pas pourquoi il s'en prend à Elizabeth et pourquoi il la laisse en vie. C'est pourtant ce qui m'a surprise à la lecture du livre. Malgré ses actes horribles, on arrive à ressentir de l'empathie envers le monstre et à comprendre sa colère. Il devient ainsi à cause des rencontres qu'il a faites dans sa courte vie et du comportement des Hommes envers lui et surtout du rejet et de l'abandon (et de l'égoïsme) de son créateur : Victor Frankenstein. Alors que dans le film ses actions sont perçues comme étant de l'ordre de l'inné, comme étant inévitables puisqu'il a reçu un "bad brain", c'est à dire le cerveau d'un criminel comme si le crime était dans les gènes. Cela enlève toute une dimension et de la profondeur à l'histoire de Shelley ce qui est vraiment dommage.

Il y a également une différence notable dans ce film: l'interaction des premiers jours entre Frankenstein et sa créature. Frankenstein ne fuit pas, ne le craint pas et parait même émerveillé par sa création. Il s'adresse à elle, la découvre et tente de communiquer avec elle. C'est pour moi un des moments les plus émouvants et les plus intéressants. Si cet épisode avait été présent dans le livre je pense que l'histoire en aurait été bien différente...

Mais ce film reste un grand classique et mérite bien sûr d'être vu, il faut juste garder à l'esprit qu'il est plutôt éloigné de l'oeuvre de Shelley....

Adeline.

14 avril 2014

L'Etrange Histoire de Benjamin Button (The Curious Case of Benjamin Button)

L’Etrange Histoire de Benjamin Button (The Curious Case of Benjamin Button).

 

Parmi les nombreuses œuvres de l’auteur de la nouvelle que nous allons aborder, L’Etrange Histoire de Benjamin Button n’est pas à proprement parler l’un des écrits les plus remarquables car Francis Scott Fitzgerald, s’il s’est notamment distingué par la publication continue durant toute sa carrière de multiples nouvelles, est surtout connu pour son œuvre de romancier.

Angéline vous a parlé quelques jours plus tôt de Gatsby le Magnifique (The Great Gatsby), une histoire touchante et merveilleusement écrite, remplie des couleurs de la fête derrière lesquelles se cache toutefois un personnage ambigu, au passé trouble, entouré d’un mystère qui l’enveloppe tout entier. 

Ce livre, bien que n’ayant pas reçu le succès escompté à sa sortie, est depuis devenu une œuvre culte, lue par un nombre croissant de lecteurs. Il s’est imposé aujourd’hui comme un des écrits majeurs de Fitzgerald, emblématique d’une époque de faste et miroir quelque peu déformé des démons qui rongeaient alors le cœur de son auteur.

Je ne reviendrai pas sur ce livre, ni sur la très belle adaptation qu’en fit Baz Luhrmann car Angéline en a très bien parlé. Citer ce roman était juste l’occasion pour moi de rappeler que Fitzgerald n’est toutefois pas l’homme d’un seul livre et qu’à côté de ses productions romanesques, il est l’auteur d’un très grand nombre de nouvelles, souvent écrites rapidement pour subvenir à ses besoins et dont certaines sont passées à la postérité, notamment grâce au cinéma. C’est le cas de L’Etrange Histoire de Benjamin Button, dont nous parlerons maintenant. Mais d’abord, un point sur l’auteur.

 

Francis Scott Fitzgerald  

Il est né en 1896, dans le Minnesota, précisément dans la ville de Saint-Paul, qui est encore aujourd’hui la capitale de cet état des Etats-Unis, coincé entre le Dakota du Nord et du Sud, l’Iowa, le Wisconsin et bordé, au nord, par les provinces canadiennes du Manitoba et de l’Ontario.               

Les années précédant et suivant immédiatement sa naissance sont marquées par plusieurs drames. Son père, Edward Fitzgerald, était un homme d’affaires dont les affaires allaient mal : deux ans après la naissance de Francis, il perd son emploi comme directeur d’une manufacture de meubles (celle-ci fait faillite) et est contraint de courir les routes comme commis-voyageur à la solde de Procter & Gamble dont les savons, entre autres, étaient alors connus et appréciés par de nombreux américains.                   

Le père et la mère de Francis, Mary McQuillan, descendante d’un irlandais immigré aux Etats-Unis à l’âge de neuf ans et ayant par la suite fait fortune dans le commerce de gros – self-made-man parmi les nombreux self-made-men que connut ce pays de tous les possibles – perdent leurs deux filles quelques mois avant la naissance de Francis. Trois ans plus tard, c’est une troisième fille qui meurt à sa naissance…

Francis Scott Fitzgerald, malgré les déconvenues financières de son père, reçoit une éducation soignée car sa mère a entretemps hérité : il intègre l’établissement privé Saint-Paul Academy avant d’être reçu, en 1911, à l’école Newman, un établissement très select dans lequel il publie ses premiers écrits, des poèmes. Deux ans plus tard, il arrive à Princeton, une des meilleures universités du pays et quitte donc un monde pour un autre, le Middle-West de Saint-Paul pour les cercles d’intellectuels de la côte est des Etats-Unis. Durant ses années de lycée et d’université, il côtoie la grande bourgeoisie américaine est tente de s’intégrer à ce monde fastueux qu’il lorgne avec envie. La nouvelle Un diamant gros comme le Ritz (The Diamond as Big as the Ritz) écrite en 1922, se fera notamment l’écho de cette période mais le recul des années passées permet à l’auteur de porter un regard ironique, voire cynique, sur cet étalage de richesses et sur les sacrifices consentis pour les garder.

A Princeton, il est plus occupé à tenter d’intégrer les nombreux clubs d’étudiants et à fréquenter les cercles des élites qu’à concentrer son temps et ses talents autour de ses études. Il les abandonne d’ailleurs bientôt et quitte Princeton sans être diplômé après avoir prêté sa plume à plusieurs reprises aux magazines Princeton Tiger et Nassau Literary Magazine.

C’est à l’armée, à Montgomery (en Alabama) où il est en garnison, qu’il rencontre celle qui va partager sa vie : Zelda Sayre. C’est afin de l’épouser qu’il entreprend la rédaction de ce qui sera son premier roman : L’Egoïste romantique. Après avoir été refusé deux fois par les Editions Scribner, dont le comité de lecture, par l’intermédiaire de Maxwell Perkins (sommité du monde de l’édition américaine de la première moitié du XXème siècle qui découvrit aussi des écrivains comme Ernest Hemingway, Thomas Wolfe ou encore Erskine Caldwell), lui demande de revoir presque entièrement la première version, le roman est finalement publié par cette même maison d’édition sous le titre L’Envers du paradis (This Side of Paradise), en 1920.

C’est le succès immédiat et les retombées financières dues aux ventes du roman permettent à Francis Scott d’épouser enfin Zelda, comme il l’espérait. Tous deux mènent une vie de bohème et dépensent sans compter. Ils voyagent notamment en France, sur la Côte d’Azur où ils font régulièrement étape dans des villas. C’est à cette époque, en octobre de l’année 1921, que naît leur unique enfant, Frances, surnommée « Scottie ».

Fitzgerald publie en 1922 Les Heureux et les Damnés (The Beautiful and the Damned) puis le recueil de nouvelles Les Enfants du Jazz (Tales of the Jazz Age) avant de s’attaquer au théâtre, en 1923, avec Un légume (A Vegetable, or From President to Postman), une pièce qui est un désastre et encourage Fitzgerald à abandonner définitivement le genre.

Repartis en Europe en 1924, Francis et Zelda retournent dans le sud de la France où l’écrivain entreprend la rédaction de ce qui deviendra un de ses chefs d’œuvres : Gatsby le Magnifique (The Great Gatsby). De passage à Paris ils se joignent au groupe des artistes et intellectuels américains expatriés que Gertrude Stein – grande figure de la scène littéraire et artistique de cette époque et promotrice, entre autres, du cubisme – appellera la Génération perdue. A cette occasion, Fitzgerald rencontre Ernest Hemingway et lui fait lire son travail. Son compatriote trouve Gatsby excellent et encourage Fitzgerald à le faire publier. En fait, il est tellement admiratif du travail de Francis qu’il décide à son tour de publier des romans (il n’avait jusque-là publié que quelques nouvelles mais développait une intense activité de journaliste ; son premier roman paraîtra en 1926 ; il s’agit de The Torrents of Spring / Torrents de printemps).

Gatsby le Magnifique est publié en 1925, après être passé par les mains de Maxwell Perkins qui encense à son tour le roman. Toutefois, comme on l’a dit, le succès public, malgré une critique élogieuse, n’est pas au rendez-vous. C’est à ce moment que les relations entre Fitzgerald et sa femme se tendent. Notre auteur, qui s’adonne à la boisson depuis ses vingt ans, devient invivable à force d’excès et doit également mal digérer un tel revers de fortune après le succès, cinq ans plus tôt, de L’Envers du paradis.

En 1926, les deux amants retournent aux Etats-Unis où Fitzgerald rejoint l’année d’après l’United Artists d’Hollywood qui l’a engagé comme scénariste. Le texte qu’il produit est finalement refusé mais Fitzgerald travaillera à nouveau pour le cinéma en co-scénarisant Trois Camarades (Three Comrades) de Frank Borzage en 1938, Autant en emporte le vent (Gone with the Wind) de Victor Fleming et Femmes (The Women) de George Cukor en 1939.  

Parallèlement, l’état de santé de sa femme se détériore sévèrement : dès 1926 Zelda commençait à souffrir de troubles mentaux laissant soupçonner une schizophrénie. Celle-ci s’aggrave rapidement et sa carrière de danseuse, qu’elle entamait à peine, ne survivra pas à ses multiples séjours en cliniques. Les soins sont coûteux et Fitzgerald est obligé d’écrire à tour de bras des nouvelles pour divers magazines afin de subvenir à leurs besoins. Sa santé décline aussi rapidement que celle de sa femme : ne pouvant renoncer à la boisson, il devient esclave de son alcoolisme.

En 1933, le couple s’installe à Baltimore où Zelda est bientôt à nouveau hospitalisée. En 1934 elle tente de se suicider alors que ses toiles (elle s’était découvert une vocation pour la peinture) sont exposées dans la plus grande indifférence. C’est cette même année qu’est publié Tendre est la nuit (Tender is the Night), neuf ans après Gatsby. Malheureusement, le roman connut, à peu de chose près, le sort de son prédécesseur et ne permit pas à Francis et Zelda de mettre un terme à leur cauchemar.

Francis vécut ensuite une véritable période de dépression physique et morale. Harassé par ses problèmes financiers, usé par l’alcool, contraint à l’écriture de scénarii – travail qu’il détestait – il finit par mourir le 21 décembre 1940, à l’âge de 44 ans. Il travaillait à l’écriture d’un nouveau roman, Le Dernier Nabab (The Last Tycoon), et espérait sans doute pouvoir, à force de travail et de sacrifices, trouver enfin la reconnaissance tant attendue et sauver Zelda de sa folie.

 

Le livre         

L’Etrange histoire de Benjamin Button est une courte nouvelle d’abord publiée dans le Colliers Magazine le 27 mai 1922 et reprise dans le recueil Tales of the Jazz Age.

L’idée de départ est la suivante : comment pourrait se dérouler la vie d’un homme né avec le physique d’une personne de 75 ans et qui rajeunirait tout au long de sa vie. En somme, un homme qui vivrait sa vie à l’envers. Voilà une histoire qui promettrait d’être riche en rebondissements et en détails étonnants. Et pourtant, alors qu’il aurait certainement pu développer son récit sur de nombreuses pages, évoquant les uns après les autres tous les grands évènements de la vie d’un homme dont l’existence est à cheval sur deux siècles (elle commence en 1860), Fitzgerald respecte la règle de la nouvelle et offre au lecteur une histoire singulièrement synthétique, qui fait l’économie des longs développements et de la recherche d’effets.

Son œuvre n’en est pas moins fort bien construite et si l’on peut accorder un mérite à notre homme, c’est bien d’avoir réussi, en quelques pages seulement, à concentrer tout un drame. Pourtant la nouvelle s’ouvre avec humour, comme si l’on sentait que le narrateur ne prenait pas, tout d’abord, la chose au sérieux. Après tout, un individu qui vivrait à rebours des autres hommes, n’est-ce pas une situation relativement comique ? Certes oui, mais à bien y réfléchir, la farce cache une tragédie. Cet homme, dont les années qui passent le rapprochent inéluctablement de la jeunesse puis de la prime enfance, cet homme qui voit ses rides s’estomper, sa voix se raffermir, son œil s’aiguiser, ses désirs renaître, cet homme qui voit, en quelque sorte, son corps tout entier reprendre vie quand ceux qu’il côtoie et qu’il aime marchent irrémédiablement vers la mort, n’est-il pas plutôt maudit ?

Le comique devient pathétique : alors que ses rares cheveux blancs couvrent à peine son crâne de vieillard, nous le trouvons dans son berceau, les jambes pendant de chaque côté de celui-ci, à peine abrité sous la couverture dont on enveloppe les nouveaux-nés. Ainsi apparaît-il pour la première fois au lecteur et à son propre père, qui vient le chercher à la clinique au début de la nouvelle.

Puis c’est le jardin d’enfants : ses pauvres jambes fragiles, ses bras débiles, et son esprit, qui est celui d’un homme mûr qui n’a pas vécu, s’accommodent mal des gambades agiles et des rires éclatants de ses tout jeunes compagnons de jeu, qui sont l’innocence même. Benjamin Button préfère lire l’encyclopédie en fumant les havanes de son père.

Nous passerons sur le reste de ses déboires d’enfant de 70 ans. Fitzgerald, à ce stade de sa nouvelle, n’a pas encore abandonné ce ton comique, qui flirte assez, à vrai dire, avec un cynisme dont il est coutumier, et prend, somme toute, cette histoire du bon côté. Son style est clair et limpide, il ne s’encombre pas du superflu et saute d’année en année pour ne retenir de la vie de son héros, que les évènements susceptibles de renforcer cette sensation, grandissante, de malaise.

Et effectivement, au fil des pages, l’auteur assombrit son propos. Débutée comme un conte fantastique où se mêlent l’extravagance et l’humour, la nouvelle prend, en son milieu, un tournant beaucoup plus dramatique. En fait, c’est lorsque Benjamin prend véritablement conscience des conséquences possibles de sa particularité et qu’il constate qu’allant à rebours des autres hommes, il ne pourra jamais réellement être en phase avec ceux qui l’entourent, que le ton de Fitzgerald quitte vraiment l’engouement initial pour se teinter d’une amertume où transparaît la tristesse de son héros.

« Le processus continuait. Il n’y avait aucun doute –il paraissait maintenant trente ans. Au lieu de s’en réjouir, il éprouva une sensation de malaise – il rajeunissait de jour en jour. Il avait jusqu’alors espéré que, lorsque son apparence physique coïnciderait avec son âge réel, le phénomène aberrant dont il était victime depuis sa naissance s’arrêterait de lui-même. Il frémit de tout son corps. Son destin lui semblait incroyable et affreux. »

C’est particulièrement lorsque Benjamin et Hildegarde, sa femme, se rencontrent au milieu de leurs vies respectives, le premier voguant vers la jeunesse quand la seconde se désespère de vieillir, que le drame de l’existence de Benjamin prend toute son ampleur : sa femme, dans un accès de colère, lui reproche vivement son obstination à rajeunir alors qu’elle sait bien que son mari n’y est pour rien. Mais la phrase est blessante et renvoie Benjamin à son enfance passée dans les reproches de son père, qui lui non plus ne pouvait comprendre un tel coup du destin.

La solitude de Benjamin s’accentue à mesure que ses relations avec sa femme se dénouent. Les appétits de notre malheureux héros, dont la jeunesse est maintenant florissante, entrent en contradiction avec ceux d’Hildegarde. Il commence à s’intéresser à d’autres femmes, à courir les soirées huppées et délaisse son foyer. On en vient à penser que Benjamin cherche à tromper la mort dans l’excès et peut-être en cela faut-il voir un clin d’œil de Fitzgerald à sa propre vie car, comme on sait, l’auteur n’a cessé de brûler sa chandelle par les deux bouts.

Son fils lui-même le renie : en grandissant, il a pris conscience à son tour du malheur qui touche Benjamin et agit sans compassion vis-à-vis de son père. Plutôt que de le soutenir dans sa vie, il redoute le contact et va jusqu’à demander à Benjamin de l’appeler « oncle » plutôt que « père » car notre héros, rajeunissant toujours, paraît désormais plus jeune que son propre fils. En fait, Roscoe agit à l’encontre de Benjamin comme de nombreuses personnes : soucieux de garder un semblant de respectabilité, il cherche à imposer à son père ses propres règles, agissant en cela comme son propre grand-père, qui s’acharnait à faire jouer Benjamin avec un hochet et à l’habiller en enfant alors que celui-ci, bien que tout jeune, avait déjà tout à fait et l’esprit et le corps d’un adulte.

Ce même égoïsme transparaît dans plusieurs personnages secondaires comme le docteur Keene, qui a mis au monde Benjamin. Lorsque Robert Button, le père de Benjamin, s’approche de lui pour prendre des nouvelles de son fils qui vient de naître, le docteur a ces mots cruels :

« Quel effet, pensez-vous, que cette histoire aura sur ma réputation professionnelle ? Encore une histoire comme ça et ç’en est fini de ma carrière – ou de celle de n’importe qui d’autre d’ailleurs. »

Même son de cloche lorsque Benjamin s’adresse à l’infirmière. Celle-ci s’emporte et répond sèchement : « C’est absolument scandaleux ! La clinique va avoir une réputation épouvantable… ».

Hildegarde, sur ce point, n’est pas en reste. Alors que son mari évoque, un peu amusé quoique déjà très conscient de son problème, le fait qu’il rajeunisse toujours, elle rétorque :

« Tu ne veux pas être comme tout le monde. Tu as toujours été comme ça et tu le seras toujours. Mais pense un peu à ce qui se passerait si tout le monde faisait comme toi – dans quel monde vivrions-nous ? »

Enfin Roscoe, s’adressant à son père, se fait l’écho des sentiments de tous les protagonistes déjà cités : « Tu f’rais bien de virer de bord et de te remettre sur le droit chemin. Cette plaisanterie est allée beaucoup trop loin. Elle ne fait plus rire personne. Ca suffit – tiens-toi tranquille ! ».

Mais que peut Benjamin Button contre le destin ? En fait, la nouvelle de Fitzgerald est une peinture cynique de ce que subissent les personnes dont l’inadaptation à la société est perçue comme une tare. Si celle-ci peut être « soignée » alors allons-y, soignons-la, et tout rentrera dans l’ordre, dans l’acceptable. Mais si l’individu « s’obstine », reproche trop souvent fait à Benjamin au cours de cette nouvelle, alors on l’ignore et lorsqu’on ne peut plus feindre l’ignorance, on s’emporte contre lui, en l’accusant de tous les torts alors même qu’on ne devrait rien pouvoir lui reprocher. L’histoire de Benjamin Button est la triste histoire d’un homme qui, né sous une mauvaise étoile, voit tous ses proches lui tourner le dos, alors qu’il ne demande qu’à être aimé pour ce qu’il est : un homme, certes étrange, personne ne pourra le nier, mais un homme au même titre que ceux qui vivent leurs vies à l’endroit.         

 

         David Fincher

Le réalisateur de l’adaptation de la nouvelle de Francis Scott Fitzgerald est désormais bien connu du grand public. Les succès critique et public de ses films, qui n’ont cependant pas toujours contenté ses producteurs estimant que Fincher n’était pas assez « bankable », l’ont confortablement assis dans la profession et ce, dès la seconde moitié des années 90.

Avant cette date, il s’était déjà distingué tout au long des années 80 et au début de la décennie suivante dans un autre registre, celui des vidéos clips pour la musique. On lui doit, entre autres, de nombreuses réalisations pour des artistes aussi divers et reconnus que Mark Knopfler (Storybook Story, 1987), Sting (Englishman in New York, 1988), Madonna (Express Yourself et Oh Father, 1989), Aerosmith (Janie’s Got a Gun, 1989), George Michael (Freedom ’90, 1990), Michael Jackson (Who Is It ?, 1993), The Rolling Stones (Love Is Strong, 1994) …

De fait, lorsqu’il se tournera vers le cinéma et la réalisation de longs métrages, ses travaux garderont indéniablement une empreinte de son passé de réalisateur de clips et se voudront très visuels. Il convient ici d’ajouter que Fincher, parallèlement à sa carrière dans les vidéos musicales, est également présent dans le monde des effets spéciaux : il est engagé en 1980 par Industrial Light & Magic, une société créée par George Lucas lui-même, et travaille dans ce cadre sur des films devenus emblématiques d’une génération toute entière : Star Wars, épisode VI : Le Retour du Jedi (1983), L'Histoire sans fin (1984), Indiana Jones et le Temple maudit (1984) ou Le Secret de la pyramide (1985). De quoi lancer une carrière…

Son premier long métrage est un film d’horreur : Alien 3 (1992). La pression était énorme puisqu’on lui confie la suite des deux premiers volets, respectivement réalisés par Ridley Scott (Alien, le huitième passager, 1979) et James Cameron (Aliens, le retour, 1986), deux gros succès aux box-offices de l’époque. Bien que le succès commercial américain suffise à rembourser l’investissement de départ, les producteurs sont mécontents et le film de Fincher ne peut réellement se dire à la hauteur de ceux de ses prédécesseurs.

Son second film est le très célèbre Se7en (1995), qui inaugure la relation entre le réalisateur et Brad Pitt et lance la carrière du premier. Une fois n’est pas coutume, alors que nos articles parlent d’adaptations cinéma d’œuvres littéraires, Se7en a fait, a contrario, l’objet d’une novélisation, c’est-à-dire d’une adaptation en roman (novel, en anglais). On la doit à Anthony Bruno ; elle est sortie l’année même du film.

S’en suit The Game (1997), avec Michael Douglas et Sean Penn, qui, s’il est un demi-échec commercial, reste un très bon thriller psychologique. En 1999, Fincher retrouve Brad Pitt (accompagné d’Edward Norton et d’Helena Bonham Carter) et réalise le très controversé Fight Club, qui, là encore, a marqué toute une génération. En 2002, il sort Panic Room, thriller en huis-clos avec Jodie Foster, Kristen Stewart (eh oui), Forrest Whitaker et Jared Leto. Puis c’est au tour de Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo et Robert Downey Jr. de passer derrière sa caméra pour Zodiac (2007). L’année suivante sort le film qui nous intéresse : L’Etrange Histoire de Benjamin Button.

Fincher prend ici le contre-pied complet de tout ce qu’il avait fait jusque-là : réalisateur plus ou moins abonné aux films sombres à tendance fortement psychologisante, il rompt avec ses travaux antérieurs et tourne un film dramatique tout aussi fort que ses réalisations précédentes mais bien éloigné des canons esthétiques avec lesquels il avait jusque-là l’habitude de travailler.

 

Le film 

Lorsque Fincher entreprend de réaliser L’Etrange Histoire de Benjamin Button, il n’est pas à son coup d’essai en matière d’adaptation : Fight Club était déjà l’adaptation d’un roman de Chuck Palahniuk, un écrivain américain qui a à nouveau été adapté au cinéma en 2008 avec Choke (titre éponyme) de Clark Gregg (avec Sam Rockwell en premier rôle) mais ce film est plus ou moins passé inaperçu en France. Zodiac était également une adaptation du roman du même nom de Robert Graysmith. 

Fincher sait donc bien ce qu’il fait lorsqu’il met en images la nouvelle de Fitzgerald.

La première chose qui frappe le spectateur à la vision de ce film, c’est sa longueur, 2h40, alors que la nouvelle de Fitzgerald compte seulement une quarantaine de pages. Comment Fincher a-t-il pu distendre autant l’œuvre originale ? Cela s’explique facilement : son adaptation est loin d’être fidèle et à dire vrai, il ne se sert de la nouvelle que comme d’une base pour développer à son gré une histoire qui effectivement, aurait peut-être gagné, selon moi, à être un peu plus étoffée.

Je n’entreprendrais pas de résumer cette histoire merveilleuse, tendre autant que triste, pleine d’une nostalgie à travers laquelle perce malgré tout l’espoir. Ce film est indéniablement un chef d’œuvre et l’histoire d’amour entre Benjamin et Daisy est de la même matière que celle dont sont faits les rêves.

Admirablement mené, le film mélange histoire personnelle et Histoire des Etats-Unis, Benjamin Button vivant durant son existence hors-normes quelques-uns des grands faits marquants du 20ème siècle et notamment la bataille de Pearl Harbor, qui provoqua l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1942. Cette manière de lier les deux histoires permet à Fincher de donner à son film et, partant, à l’histoire personnelle de Benjamin Button, une dimension historique qui confère une nouvelle crédibilité à l’intrigue. Alors que Fitzgerald ne faisait allusion que d’assez loin à certains évènements de ce type, Fincher multiplie les scènes explicitement historiques pour faire de Benjamin un témoin du 20ème siècle, au même titre (mais dans un tout autre registre) que Robert Zemeckis, qui avait fait de Forrest Gump un témoin de ce même 20ème siècle en le faisant participer à des évènements aussi divers que la Guerre du Viêt-Nam, l’ouragan Carmen ou le scandale du Watergate et rencontrer des personnages célèbres, tels Elvis Presley, John Lennon ou encore John Fitzgerald Kennedy.

Notons également au passage que le scénariste en charge de l’adaptation de Benjamin Button à l’écran n’est autre qu’Eric Roth, un homme à qui l’on doit également le scénario de… Forrest Gump.

Qui dit Histoire dit évidemment reconstitution historique et il convient ici de tirer un coup de chapeau à Donald Graham Burt et Jacqueline West, respectivement en charge des décors et des costumes. Leurs travaux méticuleux, très bien documentés, contribuent fortement à l’immersion du spectateur dans les différentes époques traversées par le film.

Mention spéciale également pour quatre seconds rôles d’importance : Julia Ormond incarne toute en retenue Caroline, la fille de Benjamin et Daisy (Hildegarde ne devait pas sonner très bien aux oreilles de Fincher), qui découvre l’histoire de son père alors qu’elle assiste sa mère dans ses derniers instants (l’histoire de Benjamin Button est ainsi présentée sous forme de flash-backs et narrée tantôt par Benjamin, tantôt par Caroline, qui lit le journal de son père).

Jason Flemyng, un acteur britannique abonné aux seconds rôles importants (et que l’on a pu voir dans des films tels que Snatch, From Hell, Layer Cake, Kick-Ass, The Social Network ou encore X-Men : Le Commencement) est le père de Benjamin Button. Son jeu d’acteur est excellent et sa manière d’interpréter la culpabilité (dans le film il a abandonné son fils) vraiment touchante.

Citons aussi la grande Tilda Swinton, à la présence magnétique, qui incarne Elizabeth Abbott, une femme entre deux âges que rencontre Benjamin dans un hôtel russe où il fait momentanément étape. Elle sera celle qui initiera Benjamin à l’amour et s’en ira finalement comme elle est arrivée, dans un coup de vent. Si vous êtes allé au cinéma dernièrement vous aurez pu voir Tilda Swinton donner la réplique à Tom Hiddleston dans le dernier long métrage de Jim Jarmusch Only Lovers Left Alive.   

Enfin, last but not least, Taraji P. Henson. Elle interprète Queenie, la mère adoptive de Benjamin Button et incarne avec brio ce rôle central dans la construction de l’identité du héros. Son personnage est plus que crédible et l’actrice a indéniablement su donner à Queenie une épaisseur psychologique tout à fait nécessaire pour la rendre fortement attachante. Sa prestation a d’ailleurs été remarquée : Taraji Henson a été nommée en 2009 aux Oscars dans la catégorie Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle mais c’est finalement Penelope Cruz qui a été récompensée.         

Je sais que ceux qui ont vu L’Etrange Histoire de Benjamin Button m’en voudront si je ne parle pas de Cate Blanchett. Elle interprète la femme de Benjamin Button, Daisy, et forme avec Brad Pitt un duo fonctionnant à merveille. Il fallait certainement une actrice de cette ampleur pour donner la réplique à Brad Pitt. Il ne fallait qu’à aucun moment un personnage prenne le pas sur l’autre et présenter au spectateur un échange de même niveau, une histoire se formant sur un pied d’égalité.

Ainsi la belle Cate Blanchett, danseuse qui plus est dans le film (un clin d’œil de Fincher à la carrière avortée de Zelda Fitzgerald ?), incarne-t-elle une Daisy amoureuse et dévouée, mais dont l’amour et la dévotion ne font pas d’elle un faire-valoir de son mari. A aucun moment elle ne s’efface devant Benjamin et si l’on doit bien accorder un mérite à celle qui a reçu l’Oscar de la meilleure actrice cette année pour son interprétation dans Blue Jasmine de Woody Allen, c’est bien d’avoir su incarner pleinement une femme forte qui fait fi du destin ; une femme dont l’insatiable amour pour son mari finit par l’emporter malgré les épreuves et l’amène, au seuil de la mort, à murmurer encore son nom.

Fincher signe avec Benjamin Button un grand film, un très grand film. En fait, c’est un véritable chef d’œuvre. Il sublime magnifiquement l’histoire initiale et permet à Fitzgerald d’être redécouvert par beaucoup. Une reconnaissance posthume pour un homme qui semble avoir toute sa vie couru derrière la reconnaissance littéraire et qui est aujourd’hui considéré comme un des auteurs majeurs de la littérature américaine du 20ème siècle.    

 

                       Martin, de l'équipe Plumicule.

8 avril 2014

Alice au pays de Tim Burton

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Lewis Carroll (1832-1898), de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, écrit les aventures d'Alice après les avoir racontées aux sœurs Liddell au cours d'une promenade en barque à Oxford. L'histoire était particulièrement destinée à l'une d'elles, Alice Liddell.

 

Publié en 1865, Les Aventures d'Alice aux pays des merveilles narre l'histoire de cette jeune fille qui s'ennuie au bord d'un lac jusqu'à ce qu'un lapin blanc surgisse, doté d'un gilet et d'une montre à gousset, et qui déclare être en retard. Ni une, ni deux, Alice part à sa poursuite. Pouf ! Alice est tombée dans un trou noir et ses aventures peuvent alors commencer.
Le chapelier fou, le chat du Cheshire, la Reine de Coeur, le lièvre de Mars sont les personnages qui vont croiser son chemin et qui nous sont familiers grâce au dessin animé de Walt Disney. Mais on peut aussi y faire la connaissance d'un Griffon, d'une Tortue-façon-Tête de veau, d'un Valet-Poisson, d'un cochon qui fait office de bébé. C'est dans ce monde où se mêle étrangeté et fantaisie qu'évolue Alice. L'évasion et l'imaginaire étant chers à Carroll. Toutefois, son récit garde un pied dans la réalité de son époque. En effet, il évoque l'histoire d'Angleterre, des parodies des chansons, poèmes et manuels de l'époque victorienne. Un texte réputé aussi pour ses paradoxes, ses jeux de mots et son « nonsense ».

 

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En 2010, la réalisation de l'adaptation est confiée à Tim Burton. Choix judicieux, réalisateur porté sur l'imaginaire, tout comme l'écrivain Carroll.

Ici, Alice a grandi. Elle a 19 ans et n'accepte pas les conventions sociales imposées par sa famille. Le jour où son prétendu fiancé s'apprête à la demander en mariage, elle retourne dans les rêves de son enfance, toujours guidé par le lapin blanc.
Le point commun entre le livre et le film est la présence de tous les personnages principaux, ainsi que des nouveaux tout droit sortis de la tête de Burton. Des personnages qui auraient pu aussi figurer dans le roman. L'histoire quant à elle est complètement différente, puisque le film est censé être la suite du roman. Chez Carroll, Alice est cette petite fille naïve, un peu maladroite, curieuse, rêveuse, qui avance sans but. Le récit est une série de rencontres marquées par le hasard alors que le long métrage se calque sur le récit d'aventure. Alice est une héroïne, au sens propre du terme. Elle est dotée d'une mission, tuer le Jabberwocky et mettre fin au règne de la Reine Rouge. On y trouve donc l'ingrédient clé de ce genre, les bons contre les méchants. Autre différence entre les deux Alice. L'Alice burtonienne sait qu'elle rêve. Elle est déterminée et maîtrise son songe alors que l'Alice de Carroll se laisse porter par les événements.
Et la Mélanie qu'est ce qu'elle en pense ? J'ai trouvé le scénario simpliste et léger. En revanche, j'ai apprécié l'interprétation des personnages principaux : le Chapelier fou - Johnny Depp, Alice - Mia Wasikowska, La Reine Rouge – Helena Bonham Carter. Des personnages revisités façon Tim Burton, que j'ai trouvé très crédibles. Un film dont le visuel est soigné (la marque de fabrique du réalisateur d'Edward aux mains d'argent, si je ne me trompe pas ?), costumes et maquillage sublimes. Autre point notable, les prises de vue réelles et l'animation qui se marient très bien. En somme, un film beau à regarder mais une intrigue prévisible et sans surprise.

 

Le film sera d'ailleurs diffusé sur W9 Lundi 14 Avril à 20h50.

 

Mélanie, de l'équipe Plumicule

 

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